ZAN > Densifier, reconvertir et renaturer, les 3 piliers des territoires durables ?
Face au dérèglement climatique et à l’érosion continue de la biodiversité, le gouvernement français a décidé d’orienter massivement les investissements du plan de relance post COVID en faveur de la transition écologique. C’est une décision politique majeure que nous avons souhaitée et que nous saluons !
Si la biodiversité n’y est pas directement identifiée comme un axe majeur, elle bénéficiera sans conteste des mesures prises pour tendre vers le Zéro Artificialisation Nette (ZAN), en soutenant la reconversion des friches, la renaturation des espaces dégradés mais aussi et surtout la densification urbaine. Acteur résolu et reconnu de la transition écologique disposant de 30 ans d’expérience en conseil et ingénierie de la ville durable, EODD ingénieurs conseils envisage la densification de l’urbanisation, la reconversion des friches et la restauration écologique comme les 3 principaux leviers de lutte contre l’artificialisation des sols, l’étalement urbain, la perte de biodiversité et le réchauffement climatique. Pourquoi et à quelles conditions ce concept vertueux peut-il trouver une réalité opérationnelle ?
A l’évidence, densifier la ville réduit les besoins de transports et facilite l’usage des modes doux. Les trajets domicile-travail sont raccourcis, favorisant les modes de déplacement à faibles émissions carbone. Mais pour que la qualité de vie soit également au rendez-vous, la ville doit mieux intégrer la biodiversité, créer des voies vertes pour connecter les fonctions en mode doux, multiplier les transports en commun à faibles émissions de CO2, créer des espaces végétalisés de « respiration au grand air » pour les habitants, qui sont autant de boucliers contre les effets d’îlots de chaleur urbains, supprimer les surfaces imperméabilisées sans valeur d’usage spécifique.
A chaque fois qu’un espace public végétalisé est créé en zone urbaine dense, l’immobilier alentour s’en trouve valorisé. Il est donc utile et créateur de valeur de réserver des espaces publics renaturés même dans une zone foncière tendue, quitte à densifier encore le bâti environnant. Cette démarche est utile au plan sociétal et environnemental, indispensable pour répondre à la demande citoyenne de « haute qualité d’usage », et permet d’enrayer enfin la consommation d’espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (NAF) et de répondre aux enjeux du réchauffement climatique. Le défi est bien de résoudre l’équation de villes à la fois plus denses et plus vertes, en œuvrant à la renaturation des fonciers dégradés dans les territoires où la demande ne justifie plus de laisser des friches artificialisées en désuétude. Véritable démarche d’économie circulaire, le recyclage des fonciers dégradés contribue également à la maîtrise des risques sanitaires et environnementaux en supprimant les sources de pollution dans les sols, mais également dans les bâtis anciens contaminés qui se dégradent rapidement lorsqu’ils ne sont plus occupés et entretenus.
Exemple d’un projet vertueux : 195 la calanque, un village à la mer, reconversion de la friche de l’ancienne usine de la Madrague de Montredon (Legré-Mante), Crédits : GINKGO, KERN + Associés
Avec le Zéro Artificialisation Nette, le temps de l’étalement « urbain » des villes et villages de nos campagnes semble révolu. Place au temps où la campagne investit la ville, irrigue l’espace public comme les interstices urbains, habille toitures et façades et revient au contact de l’usager, de l’habitant, de l’urbain ! L’augmentation du ratio surface de planchers / surface foncière doit devenir un principe d’aménagement intangible, quelle que soit la densité du territoire, les enveloppes urbaines les moins peuplées étant entourées de zones NAF. Ce nouveau principe ne concerne donc pas uniquement les grandes agglomérations et métropoles, mais également tous les territoires ruraux.
Reste à définir précisément la méthodologie du bilan « comptable » du Zéro Artificialisation Nette, sur quel périmètre, à quelles échelles territoriale et temporelle et selon quelles règles de valorisation, afin de devenir un véritable outil opérationnel d’évaluation et d’orientation des politiques publiques. A n’en pas douter, le travail annoncé sur le sujet et qui devrait être réalisé par l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires (ANCT) sera observé de près par tous les acteurs, publics et privés, de l’aménagement et de la construction. La plus grande inconnue réside probablement dans le temps nécessaire pour que les décisions politiques soient prises entre toutes les collectivités à compétence urbanisme et aménagement au sein d’un même périmètre ZAN, pour définir et choisir comment seront régulés les droits à artificialiser, tout en assurant la cohérence et la complémentarité des projets d’aménagements, en tenant compte des dynamiques et spécificités de chaque territoire.
Autre sujet majeur qui ne devra pas être oublié, avec un enjeu fort sur le redéveloppement de la biodiversité, les programmes de désartificialisation et de restauration écologique nécessiteront des financements spécifiques, du fait de budgets de dépenses sans recette directe. Ainsi, l’usage de la fiscalité, comme levier incitatif et motivant pour les maîtres d’ouvrages, apparaît comme un outil opérationnel crédible au service du ZAN, sous réserve que l’ensemble des contributeurs trouve rapidement un consensus politique pour le rendre acceptable et efficace.
Au plan climatique, la maîtrise de la demande énergétique doit nécessairement s’accompagner de fortes ambitions de performance énergie et carbone dans tous les projets, d’utilisation des énergies renouvelables, tant dans les opérations de rénovation que de construction neuve, pour les bâtiments et les infrastructures. Pour les bâtiments, une stratégie de densification urbaine par la rénovation / extension de l’existant là où c’est possible, complétée par de la construction neuve très performante sera plus efficace « immédiatement » sur les aspects « carbone », mais moins sur le long terme. La nouvelle réglementation Energie/Carbone, qui devrait logiquement s’imposer réglementairement à l’été 2021, bénéficiera des nombreux retours d’expériences positifs issus de sa phase d’expérimentation pour se déployer plus massivement dans l’ensemble des opérations conduites par les maîtres d’ouvrages publics et privés.
Pour relever ces défis majeurs, accélérer la reconversion des friches pour des usages pertinents, donc choisis au cas par cas, densifier la ville en permettant l’augmentation des droits à construire dans la verticalité et en affirmant l’exigence de projets très performants au plan énergie et carbone, renaturer les fonciers artificialisés sans valeur d’usage, constituent les 3 leviers d’actions prioritaires dont tous les acteurs publics et privés doivent se saisir rapidement, en collaboration étroite, afin d’engager la transformation écologique de tous nos territoires, au service du bien-être, de la qualité de vie des citoyens d’aujourd’hui et des générations futures.
Crédit illustration image à la une : Agence Régionale de la Biodiversité